Le 16 mai 2011

La génération Y : Qui dirigera?

François-Nicolas Pelletier

Aux États-Unis, le 4 novembre dernier, la génération Y a voté en masse pour Barack Obama. Les deux tiers des électeurs de moins de 30 ans ont accordé leur vote à celui qui promet le changement, la justice, l'espoir. L'homme annonce l'action, et les jeunes en demandent. Il incarne également la diversité culturelle, l'audace et le réalisme, ce qui colle aussià la vision du monde des Y. Nous avons cherché à savoir s'ils ont eux-aussi le goût de diriger le monde.

La génération Y est formée des jeunes nés entre 1977 et 1987 : ils sont plus d'un million au Québec et représentent près de 15 % de la population. Ces dernières années, la génération Y a été scrutée à la loupe (de nombreux articles ont été écrits à son sujet), nommée et renommée («du millénaire», «numérique», etc.), sollicitée (par les compagnies), critiquée (ces enfants-rois arrogants)... Mais pourquoi porter une telle attention à ce groupe? L'entrée de ces jeunes sur le marché du travail, ces dernières années, aurait laissé quelques patrons perplexes, les Y n'ayant pas les mêmes repères culturels et les mêmes valeurs qu'eux. Mais qu'en est-il exactement? Portrait de jeunes Y qui ont en commun d'étudier ou d'avoir étudié à l'Université de Sherbrooke.

Vélo, super boulot, vie perso

La génération Y n'est pas endormie. Le «métro, boulot, dodo», la routine de zombies, très peu pour elle. «On a des buts, on a des rêves, et on ne veut pas les mettre de côté», dit Adinson Brown, 21 ans, étudiant en médecine à l'Université de Sherbrooke. Tout en poursuivant ses études, Adinson prépare un projet de coopération en Afrique pour l'été prochain, il fait du vélo, de l'équitation, des critiques d'art pour un magazine Web, et il a déjà été bénévole pour de nombreux organismes (notamment ceux qui s'occupent des enfants malades). Lorsqu'il sera médecin, il veut continuer à s'engager de la sorte : «Ce sont presque des loisirs pour moi, ça m'apporte beaucoup.» Il compte en même temps élever une famille. Et ce n'est pas parce qu'il prévoit s'ennuyer au travail! «Je veux avoir des patients et faire de la recherche, tester de nouvelles approches en psychiatrie, ma nouvelle passion», dit-il.

Ce profil n'a rien de surprenant pour Charles-Henri Amherdt, psychologue et professeur à la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke. «Les Y veulent une vie à plein temps, dit-il; ils revendiquent le bien-être dans toutes les sphères de leur vie. Avant, on disait aux gens : “Souffrez sur Terre, vous aurez le bonheur au ciel.” Ensuite, on leur a dit : “Souffrez au travail, vous connaîtrez le bonheur à la retraite.” Les jeunes ne veulent plus, avec raison, de cette conception archaïque du bonheur différé.»

L'épanouissement dans toutes les sphères de la vie, voilà le credo de cette génération. Robert J. Mailhot, 32 ans, diplômé de la Faculté de médecine de 2004, en est un autre exemple. Il est chirurgien vasculaire au centre hospitalier régional de Trois-Rivières. «C'est un travail de précision qui me fascine et qui permet en plus de sauver des vies», dit-il. Mais il est aussi poète : habitué du Festival international de la poésie de Trois-Rivières, il a déjà publié deux recueils. En plus, dans ses moments libres, il invente de nouveaux outils chirurgicaux, dont un est breveté, et un autre est sur le point de l'être!

Bye-bye, boss!

Lorsqu'on a une telle diversité d'intérêts, le travail prend parfois une place toute relative. C'est le cas des Y. Phénomène nouveau, ils peuvent quitter leur travail sans crier gare, sans même être certains d'en trouver un autre. Frédéric Blouin, 31 ans, ingénieur électrique diplômé en 2001, a fait le saut. Après avoir travaillé cinq ans pour Victhom, une compagnie qui conçoit et fabrique des prothèses bioniques ultramodernes, il a renoncé à son salaire annuel de plus de 50 000 $ pour aller faire de la musique à Vancouver. «Ce n'est pas que je n'aimais pas mon travail, mais j'avais envie de faire de la musique et de voyager», explique-t-il. D'où son départ pour Vancouver il y a un an et demi, où il compose maintenant des chansons et apprend différents instruments (guitare, ukulélé, etc.). En plus de faire ce qu'il aime, il a davantage de temps pour réfléchir au monde qui l'entoure : «Il y a peut-être moins d'argent dans mon portefeuille, mais c'est une richesse que je cultive.» Ses réflexions l'ont également poussé vers le bénévolat. Il a notamment organisé, l'automne dernier, un spectacle-bénéfice au profit d'un organisme de sa région d'origine, Richmond, qui œuvre dans le domaine de la santé mentale.

Pour Jacques Charuest, consultant en ressources humaines et diplômé en psychologie de l'Université de Sherbrooke en 1979, les employeurs doivent s'habituer au fait que les jeunes travailleurs n'ont plus de loyauté envers l'organisation qui les emploie. «Leur loyauté est “transactionnelle”, explique-t-il. Ils disent : “Tant que vous me donnez ce qui m'intéresse, je vais être totalement loyal. Mais je sais que ça va avoir une fin.”» M. Charuest rappelle que les Y ont vu les gens de la génération X (nés entre 1966 et 1976) avoir des emplois précaires et se faire mettre à pied sans ménagement. Leur conclusion est donc parfaitement logique. Ils disent aux dirigeants de l'entreprise : «Si vous n'êtes pas en position de me garantir un emploi à vie, alors pourquoi devrais-je m'engager à vie?»

La précarité ne les effraie pas. En fait, le mot lui-même n'est peut-être plus adapté à leur vision du monde. Élise Arguin, 29 ans, qui a obtenu une maîtrise en environnement en 2007, vient de terminer un contrat au service des communications de la ville de Sherbrooke. Elle et son conjoint sont travailleurs autonomes. Situation délicate? «Au contraire, j'aime le fait de travailler à forfait, dit-elle. Ça me permet de vivre de nouvelles expériences. J'ai bon espoir qu'il y aura toujours quelque chose pour nous dans l'avenir.» Et la preuve de cette confiance, c'est qu'elle attend son premier enfant et que le couple vient d'acheter un duplex.

Viva la familia!

Charles-Henri Amherdt observe d'ailleurs dans les salles de classe qu'il y a plus d'étudiantes enceintes qu'auparavant. «C'est une marque de confiance par rapport à l'avenir, dit-il; les jeunes n'attendent pas d'avoir un emploi avant de fonder une vie familiale.» Un comportement qui aurait été jugé risqué par les boomers, et encore plus par la génération X, qui a connu une grande précarité en début de carrière et qui a repoussé la venue du premier enfant.

Cet intérêt pour la famille se manifeste aussi dans le désir exprimé par les Y de maintenir un équilibre entre le travail et la vie familiale. Selon Jacques Charuest, cette préoccupation s'explique facilement : «Les Y ont vu leurs parents se donner entièrement au travail et ils ont connu les séparations matrimoniales qui en étaient parfois la conséquence.» Une réalité qui cause des maux de tête à des cabinets professionnels (avocats, comptables, etc.), qui ont de la difficulté à recruter de nouveaux associés. Être associé signifie travailler de longues heures, et plusieurs jeunes ne sont pas prêts à sacrifier leur vie de famille pour ça.

Lucie Mandeville, professeure au Département de psychologie de l'Université, observe elle aussi cette tendance. Elle-même de la génération des boomers, elle affirme : «Lorsque j'ai commencé, la culture du département était vocationnelle : on était prêt à donner beaucoup de temps pour son développement.» Aujourd'hui, elle observe que les aspirations personnelles et familiales ont pris beaucoup d'importance chez les étudiants et les jeunes professeurs. «Ils parlent plus de leurs besoins familiaux, dit-elle. Ils sont moins prêts à accepter des tâches supplémentaires et ils sont plus susceptibles de prendre congé pour s'occuper d'un enfant malade ou de leur propre santé.»

Au début, elle a vécu ce changement comme un choc des cultures. «Je me disais : “Ils ne veulent pas travailler, les jeunes!” Mais, après réflexion, j'ai conclu qu'ils avaient raison de penser que la vie, ce n'est pas que le travail. J'ai réalisé que je ne m'étais peut-être pas suffisamment occupée de mon garçon. Ils ont fait en sorte que je suis revenue vers ma famille.»

Ce désir de conjuguer de façon équilibrée travail et famille s'exprime même... avant que la famille existe! Adinson Brown affirme que certains de ses amis qui étudient en médecine choisissent leur spécialité en fonction des heures de travail escomptées. Par exemple, l'urgence et l'obstétrique ne sont pas très populaires parce qu'elles riment avec horaires irréguliers et imprévisibles. Adinson souhaite consacrer du temps à sa future famille. Pas question de travailler 70 heures par semaine : «Le travail, c'est important, mais la famille, c'est quand même ça qui reste et dont on est le plus fier.»

Pénurie de gestionnaires à l'horizon?

Les jeunes quittent facilement leur emploi s'ils ne trouvent pas ce qu'ils cherchent et ils veulent se garder du temps pour la famille et toutes sortes d'autres activités. Comment réussiront-ils à devenir gestionnaires? Car pour monter les échelons dans une entreprise, il faut souvent y avoir acquisde l'expérience, donc y être resté quelques années, avoir affronté les conflits internes, avoir montré son dévouement... Le printemps dernier, le président de L'Oréal Canada, Javier San Juan, a fait part de ses inquiétudes à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Dans son discours, il disait que «[...] l'environnement dans lequel [les jeunes] évoluent n'est pas propice, il est même dangereux pour le développement de leurs aptitudes de futurs dirigeants. Ils évoluent en effet dans un contexte économique très privilégié où la notion de prise de risques, à titre personnel, est fortement atténuée.» Il ajoutait que «les enjeux liés à la prise de décision, par exemple à propos de leur carrière, portent peu à conséquence». À cet effet, il a donné en exemple le recours aux congés sabbatiques. Selon M. San Juan, pour préparer les futurs gestionnaires, il faut «oser la confrontation, provoquer des challenges et les sortir de leur zone de confort».

Ce diagnostic est en partie partagé par Lucie Mandeville. «Je me pose des questions sur leur capacité à faire face aux difficultés et à dépasser leurs limites», dit-elle. Ils ont vécu dans l'aisance et ils sont habitués à faire passer leurs besoins ou leurs goûts avant tout. Elle donne à ce propos l'exemple de jeunes qui décident d'aller à une fête et disent à leur patron qu'ils ne pourront pas travailler le lendemain, une chose impensable pour les gens de sa génération. À son avis, ces jeunes risquent de subir un choc lorsqu'ils arriveront sur le marché du travail, qui est plus exigeant que le monde des études.

Jacques Charuest n'est pas d'accord : il voit beaucoup de Y qui sont disposés à faire des efforts et qui sont intéressés à devenir gestionnaires. Mais ils ne travailleront pas de la même façon que leurs prédécesseurs. Ils voudront continuer à développer leurs intérêts personnels. «Un jeune peut vouloir prendre quelques jours de congé en dehors des périodes habituelles pour participer à un triathlon, assister à une course automobile de Nascar ou aller faire de la plongée sous-marine», explique-t-il, remarquant au passage leur intérêt pour les sensations fortes. Et comme c'est une génération composée de gens qui ont plus voyagé que les boomers et qui sont habitués à être stimulés, il faut que le travail corresponde vraiment à leurs intérêts pour qu'ils se donnent entièrement.

Christine Landry, 31 ans, qui a terminé une maîtrise en environnement et a été diplômée en 2004, incarne bien cette tendance. L'action, les défis, ça ne lui fait pas peur : elle est directrice des événements spéciaux au Consortium Écho-Logique, un organisme à but non lucratif qui offre une gestion écologique des rebuts lors d'événements ou de congrès. Elle compte parmi ses clients les plus grands événements extérieurs au Canada : le Festival international de jazz de Montréal, la Fête du Canada à Ottawa et à Gatineau et, en Estrie, le Festival des traditions du monde de Sherbrooke, entre autres.

Son credo est simple. «Quand tu veux, tu peux», dit-elle, ajoutant qu'elle trouve toujours les ressources pour surmonter les obstacles. Elle aime la gestion, qui lui permet de toucher à tout et qui est centrée sur l'action. Elle a d'ailleurs quitté un emploi au gouvernement du Nouveau-Brunswick qui lui offrait pourtant de bonnes conditions : «Après deux ans, c'était assez. Au gouvernement, ça ne bouge pas vite, et moi, j'aime ça quand les choses avancent!»

Mais ce qui la motive par-dessus tout, c'est que son travail est lié à une de ses préoccupations : la protection de l'environnement. «Si je voulais un meilleur salaire, je ne serais pas au Consortium. Je suis là parce que je peux œuvrer pour l'environnement et qu'ici on peut faire la différence.» En effet, depuis qu'elle s'est jointe à l'équipe, en 2004, le nombre d'événements gérés par le Consortium est passé de 28 à 75.

Annik Giguère, 29 ans, étudiante en service social, ne recule pas non plus devant les responsabilités. Nommée Personnalité par excellence au Gala Forces Avenir 2007, elle est conseillère municipale dans le village de Wotton depuis plus de trois ans. «Je trouvais que ça ne bougeait pas à Wotton, qu'il n'y avait rien pour les jeunes et les familles», dit-elle. Depuis son arrivée, elle travaille à améliorer les infrastructures sportives de son village et elle essaie de convaincre les autres élus d'implanter la collecte des résidus organiques. Elle s'occupe de tous les dossiers qui touchent les jeunes ou l'environnement.

Individualistes, mais pas égoïstes

Annik Giguère n'en est ni à son premier ni à son dernier engagement : elle a été bénévole auprès d'un regroupement lié à l'agriculture biologique et à l'agroforesterie, elle a cofondé une coopérative de soutien aux jeunes entrepreneurs de la région et elle a participé à deux projets de coopération au Mali. Elle compte retourner en Afrique avec son conjoint et ses deux jeunes enfants d'ici les cinq prochaines années. «On est bien ici, alors on peut aider les autres, explique-t-elle simplement. Je veux faire découvrir ça à mes enfants, pour qu'ils comprennent que tout le monde ne vit pas dans les mêmes conditions que nous.» La preuve est faite : être conseillère municipale dans un village de 1500 habitants n'empêche pas d'avoir des projets à l'échelle mondiale!

En fait, les jeunes ne sont pas aussi centrés sur eux-mêmes qu'on le dit. Presque tous les Y interviewés agissent d'une manière ou d'une autre pour le bien-être de leur communauté ou de l'environnement, que ce soit par leur travail ou autrement. Ce qui les distingue des boomers, c'est la nature des causes et la forme de l'engagement : l'environnement et le développement international sont clairement à l'ordre du jour, même si les causes locales ne sont pas abandonnées pour autant.

Mais surtout, les organisations traditionnelles comme les syndicats et les partis politiques n'ont pas leur faveur. Adinson Brown affirme que «c'est l'addition des petits gestes individuels qui fait une différence, comme dans le cas de l'environnement. On ne peut pas tout demander aux politiciens. Si on attend leurs décisions, on peut attendre très longtemps.» Il ajoute qu'il préfère ne pas s'associer à un parti politique. «Moi, je peux agir, et s'il y a des partis qui sont d'accord avec mes démarches, ils viendront m'encourager!», lance-t-il candidement. On est loin de l'attentisme. À croire que la devise des Y serait la fameuse phrase lancée par John F. Kennedy en 1961 : «Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous pouvez faire pour votre pays.» Et on pourrait ajouter : «Et pour le monde...»

Et l'avenir?

On ne sera pas surpris d'apprendre que cette génération est plutôt optimiste. Que ce soit pour eux ou pour le monde, presque tous les Y interviewés ont exprimé leur confiance en l'avenir. «On voit que les gens évoluent, affirme Adinson Brown. Par rapport à l'environnement, les progrès qu'on a faits sont phénoménaux! C'est la même chose pour le racisme; les gens sont beaucoup plus ouverts qu'avant. Et quant à leur santé, ils font beaucoup plus attention.» Selon Annik Giguère, «ça prend juste de la volonté pour faire changer les choses, et quand les gens se sentent interpellés, ils se mobilisent». Seul Robert J. Mailhot exprime des inquiétudes : «J'ai l'impression qu'il y a un crescendo de violence, que le monde est sur le bord d'exploser ou de s'écrouler; j'ai beaucoup d'inquiétudes par rapport à l'avenir.» Sensibilité particulière de poète? Quoi qu'il en soit, son diagnostic ne fait pas l'unanimité. «Il y a tellement de mauvaises nouvelles ces temps-ci, explique Christine Landry. Il y a des crises, mais il existe toujours des solutions; il faut juste les trouver.» Elle ajoute, par rapport à la situation du Québec : «Franchement, on n'est pas en Afrique; on n'a vraiment pas de raisons de chialer!»

Est-ce que la récession risque de casser cet optimisme? Est-ce que le cynisme pourrait revenir à l'ordre du jour? Est-ce que l'immense vague d'espoir portée par Obama et qui a rejailli sur tout l'Occident pourrait finir en déception, comme tant d'autres grands mouvements politiques? Si on se fie aux commentaires des jeunes interviewés pour cet article, il en faudra beaucoup pour atteindre leur confiance tranquille.

Nommer la génération Y

Les baby-boomers n'ont qu'un nom, et les X n'en ont que deux, si on accepte le terme de «génération sacrifiée» qu'on leur accole gentiment. Les Y, eux, en ont presque assez pour remplir un iPod! Voici comment ils ont souvent été qualifiés : «écho» ou «écho-boomers» (étant souvent les enfants des boomers), «génération du millénaire», «next», «nexters» ou «suivants» (parce qu'ils suivent les X et leur ressemblent, selon certains), «why» (qui sonne comme «Y» en anglais), «velos», «net», «www», «i-Generation», «Google Generation», «e-Generation», «digital kids», «digital natives» ou «génération numérique», «citoyendu monde», «caméléon», «glucose», «nexus», «boomerang generation», «generation We»... Ouf!

Pourquoi une telle profusion de noms? «Difficile à dire, répond Jacques Légaré, professeur émérite en démographie à l'Université de Montréal. Mais une chose est sûre, c'est qu'avant le baby-boom on ne mettait pas l'accent sur les distinctions entre les parents et les enfants. Les théories intergénérationnelles, c'est un phénomène assez récent, peut-être causé par l'écart de valeurs entre les boomers et leurs parents.» Mode passagère? En tout cas, s'il faut trouver autant de noms à ceux qui suivent les Y, les théoriciens intergénérationnels auront du pain sur la planche!

Baby-boomers

De 1946 à 1965

Génération

De 1966 à 1976 X

Génération

De 1977 à 1987 Y

Définir la génération Y

La science des générations est loin d'être exacte. Pour la génération Y, on trouve presque autant de définitions que d'auteurs. Ainsi, certains la font commencer en 1976, d'autres en 1978, et d'autres encore en 1980 ou même 1982... Même chose pour la limite supérieure : certains la placent en 1986, et d'autres vont jusqu'à l'an 2000. «La définition d'une génération est assez floue, reconnaît Jacques Légaré. Elle dépend des données dont on dispose, mais elle devrait aussi correspondre à des expériences communes. En même temps, elle peut aussi faire référence au temps qu'il faut à un groupe pour être en âge de se reproduire, dit-il. Dans ce cas, une génération serait un peu plus longue, environ 20 ans.» Le calcul des générations commence en général à partir des baby-boomers, qui sont nés entre 1946 et 1965. Mais déjà, il y  a un débat : certains considèrent que les «jeunes» boomers, nés entre 1961 et 1965, ont plutôt vécu une réalité de X, soit une difficulté à entrer sur le marché du travail, la précarité de l'emploi, etc. Toujours selon les définitions les plus courantes, les X seraient nés entre 1966 et 1976. Suivraient les Y, nés à la fin des années 70. Ce qu'il faut retenir, c'est que ces définitions ne sont pas coulées dans le béton. Nous avons retenu celle de Jacques Charuest, consultant en ressources humaines, soit les jeunes nés entre 1977 et 1987. Cette définition correspond à son expérience sur le terrain. Cela dit, il ne faut pas mettre tous les Y dans le même panier. «Les enfants des immigrants, par exemple, ressemblent beaucoup plus aux boomers et sont très orientés vers la carrière», précise M. Charuest. Charles-Henri Amherdt affirme lui aussi qu'il ne faut pas prendre ces définitions comme des absolus : «Une génération, c'est d'abord une mentalité, une dominante de groupe, mais des gens de groupes d'âges différents peuvent partager une même attitude face à la vie.»

Conflit des générations? Quel conflit?

S'il y a bien des différences entre les générations à propos des façons de se comporter au travail et de certaines valeurs, est-ce à dire qu'il y a un conflit entre les Y et les autres? Pas pour Jacques Charuest : «Quelques gestionnaires trouvent les Y arrogants mais, dans l'ensemble, la relation est harmonieuse.» À preuve, le nombre de jeunes qui restent longtemps chez leurs parents. «Nous, les boomers, on voulait partir le plus vite possible de la maison, dit-il. Mais les Y ont vécu dans des familles moins nombreuses que les nôtres et ils ont été habitués à être consultés; ils sont à l'aise avec leurs parents.» C'est un constat qui trouve écho chez Élise Arguin : «C'est sûr qu'il y a des petites différences entre les générations. Par exemple, je consulte beaucoup plus de documents à l'écran que mes patrons, qui ont besoin de tout imprimer. Mais je m'inspire d'eux, et ils m'apprennent beaucoup.»